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‘Je sentais la sacristie’: Pierre Michon et le Très-Haut

Dieu s’est absenté. La sécularisation progressant depuis des siècles, l’Église a perdu son ascendant quasi-naturel sur les hommes; selon la formule de Max Weber, le monde occidental s’est “désenchanté”. La plupart des hommes n’énoncent plus le sacré dans leurs paroles de tous les jours ; ce qui les dépasse, les terrifie ou les rassure, les inspire, ils ne l’attribuent plus à une divinité nommable.

C’est pourtant Lui que Pierre Michon convoque dans ses livres, depuis Vies minuscules (1984) jusqu’à La Grande Beune (1996), en passant par Maîtres et serviteurs (1990) et Rimbaud le fils (1991). Que ce soit à propos de la vie de paysans illettrés ou de celle de peintres et d’écrivains, Michon évoque ou en appelle à Dieu – sous des espèces très diverses.… > Lees verder

La violence bridée de Cioran

À la mort de l’auteur franco-roumain E.M. Cioran, survenue en juin 1995, certains commentateurs ne se sont pas arrêtés aux prévisibles éloges mortuaires sur cet ‘orfèvre en vacuité’, ce ‘dandy du doute’, ce ‘chevalier du taste-rien’, mais ont tenté de mettre en relief l’œuvre d’après-guerre, écrite en français, par la confrontation avec les textes d’avant-guerre, écrits en roumain (et seulement traduits en français depuis la fin des années ’80). Ainsi, Ramona Fotiade,[1. Ramona Fotiade, ‘Behind the veil of aristocracy’, Times Literary Supplement, 6-10-1995] dans une généalogie lucide des textes de jeunesse, montre comment les crises nationaliste et religieuse dont Cioran fut secoué dans les années ’30 ont créé le douloureux fond de mémoire que les aphorismes français auraient eu pour tâche de recouvrir; Pierre-Yves Boissau[1.… > Lees verder

Batavus Droogstoppel, Max Havelaar: la double face du calvinisme

L’anticolonialisme, devenu dominant en Hollande dans l’après-guerre, ne fait décidément plus l’unanimité. Depuis peu, des commentateurs s’élèvent pour énumérer les vertus de l’ancien régime colonial, d’ex-colonisés expriment ouvertement leur nostalgie de la soumission à la mère patrie, et la générosité relative qui longtemps présidait aux rapports des Pays-Bas avec le tiers-monde se trouve de plus en plus contestée au sein même du gouvernement centre-gauche actuel. Dans ce contexte, il peut être intéressant de relire ce qui est sans doute la meilleure exposition littéraire du conflit séculaire qui oppose, dans la culture néerlandaise, l’égoïsme intéressé à l’altruisme moralisateur : le roman anticolonialiste Max Havelaar, « le Havelaar », comme on dit, pour marquer par cette substantivation que ce texte est digne du statut de classique.… > Lees verder

L’inconscient philosophique

Cette étude sur la philosophie en Europe, qui brosse un tableau de dix-neuf philosophies nationales présentées par des commentateurs locaux (et complété par quelques articles généraux d’objet et d’intérêt divers), se trouve être un bel instrument pour mesurer les obstacles à une pensée ‘sans frontières’. Elle se prête, par exemple, à comparer l’état actuel d’une tradition philosophique largement connue mais difficile d’accès, comme la tradition française, avec celui d’une tradition beaucoup moins connue mais très accessible, comme la tradition néerlandaise. Que cache le mot ‘philosophie’ dans deux pays aux histoires culturelles si différentes?

Le philosophe D. Janicaud, auteur de l’article sur la France, fait défiler sur quarante pages un grand nombre de noms propres et de concepts qui ont eu cours parmi les philosophes français ces quinze dernières années.… > Lees verder

La différence démocratique

Comment faire une sélection des meilleurs, tout en instaurant des contrepoids institutionnels qui les empêcheront de s’enfermer dans leurs positions, comme une caste de privilégiés? Comment concilier la confiance politique qui rend possible la libre formation des élites avec la méfiance organisée qui leur imposera des limites? Telle est la problématique qui domine ce livre, combinaison peu orthodoxe d’histoire des idées, d’élaboration théorique et de plaidoyer normatif. Le sociologue Dick Pels y relance la discussion sur l’héritage contesté de Jacques de Kadt, théoricien politique néerlandais qui, dans l’entre-deux-guerres, défendit un socialisme élitiste et intellectuel, dont le moteur serait “l’impérialisme” des “hommes de culture”.… > Lees verder