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La grande Pléiade de Milan Kundera

Lire Milan Kundera, c’est lire l’histoire du roman – c’est-à-dire l’histoire de l’art du roman, car lui-même ne se lasse pas de souligner que le roman n’est pas un simple genre littéraire parmi d’autres, mais un art autonome, indissolublement lié à la modernité occidentale et qui se distingue par l’attention particulière qu’il porte à l’existence concrète de l’homme dans le monde. Tout roman digne de ce nom est alors la découverte d’un pan d’existence jusque-là dissimulé, et l’histoire du roman, l’histoire de ces découvertes.

Kundera n’est pas un théoricien de la littérature. S’il a écrit quatre grands essais sur cet art qui lui est si cher, de L’Art du roman (1986) à Une rencontre (2009) en passant par Les Testaments trahis (1993) et Le Rideau (2005), c’est avant tout en praticien qui veut nous faire part de ses réflexions et de ses sources d’inspiration.… > Lees verder

La traduction et son double

« Traduire des livres – construire des ponts ». C’est sous ce titre que l’Institut Goethe présente un petit programme de soutien aux traducteurs de l’allemand. On comprend tout de suite qu’il doit s’agir d’une métaphore : traduire des livres, c’est construire des ponts permettant d’enjamber l’abîme entre les langues et les cultures ; image bien goethéenne dans son principe, légèrement conventionnelle il est vrai, mais qui nous change un peu de cette autre image, celle du traducteur comme passeur d’eau. Les deux images ont d’ailleurs ceci en commun qu’elles nous proposent un monde simple et binaire dont l’harmonie pré-babylonienne serait à portée de main, par le biais des traductions.… > Lees verder

Julien Gracq, ‘La sieste en Flandre hollandaise’, préface

Publié pour la première fois en février 1951 au Mercure de France puis repris en 1958 dans la seconde édition de Liberté grande, « La sieste en Flandre hollandaise » est un petit texte phare dans l’oeuvre de Louis Poirier, alias Julien Gracq (1910-2007). C’est en mai 1940 que Gracq, lieutenant de l’infanterie française chargé d’une mission de défense dans les bas pays, découvre la Flandre zélandaise, lisière du territoire néerlandais située entre la Belgique et l’Escaut occidental ; il y passe trois jours qui lui laissent « une impression persistante, étrange », comme il écrira plus tard après une nouvelle visite en Flandre à l’invitation de l’écrivain gantois Suzanne Lilar, la dédicataire du texte.… > Lees verder

Traduire, en Europe

« La langue de l’Europe, c’est la traduction. » La citation archiconnue vient d’Umberto Eco, à qui l’on prête aussi la variante moins battue : « La langue de l’Europe, c’est le mauvais anglais. » Ensemble, ces deux sentences résument assez bien la situation linguistique et culturelle du vieux continent. Tout le monde parle anglais ou croit le parler, et en même temps les citoyens européens connaissent très peu leurs voisins, d’où un grand besoin de traductions – et de traducteurs.

La traduction littéraire est avant tout un art du voyage. Voyage linguistique, voyage culturel aussi, où le texte qui se déplace arrive à sa destination changé, prêt à commencer une nouvelle vie.… > Lees verder

Les enjeux culturels de la traduction dans le bassin méditerranéen

MARTIN DE HAAN – Avant de présenter les participants à cette table ronde, je voudrais commencer par une petite anecdote. Nous sommes ici au bord de la Méditerranée, et il me vient l’image d’un passeur d’eau, qui est bien sûr le traducteur. Quand j’ai utilisé cette expression, passeurs d’eau, dans un manifeste pour la traduction littéraire publié en Hollande, la traduction française du terme néerlandais veerlieden a donné… « gens de plume » ! C’est que le mot veer, bac, a aussi le sens de « plume », et la traductrice a tout de suite fait le lien. Nous nous inscrivons de fait dans un double contexte, à la fois passeurs et auteurs – car une traduction n’est jamais qu’un simple déplacement où le texte reste identique à lui-même, c’est aussi un déplacement dans le sens de transformation, une création d’un texte nouveau (protégé par le droit d’auteur).… > Lees verder

Variations sur le «moi» – en marge de Milan Kundera

Le «moi»

Le regard de l’écrivain sonde l’œuvre du peintre, à la recherche de l’essence.

L’essence: ce qui fait de l’œuvre ce qu’elle est — comme le «moi» qui frissonne dans un corps.

De ce «moi», l’écrivain dit dans l’un de ses romans, L’Immortalité: «Une fois expédiés dans le monde tels que nous sommes, nous avons dû d’abord nous identifier à ce coup de dés, à cet accident organisé par l’ordinateur divin: cesser de nous étonner que précisément cela (cette chose qui nous fait face dans le miroir) soit notre moi.»

Le «moi» comme essence et comme accident: entre ces deux pôles se meut l’œuvre de Milan Kundera.… > Lees verder